Peter Downsbrough interprète l’espace d’exposition de la galerie LRS52 en le ponctuant de lignes verticales et en appliquant une seule ligne oblique au sol qui a pour effet de perturber l’axe et le plan de la galerie. Cet axe prolonge notre regard à travers la vitrine et semble nous indiquer la Maison Rogister située en oblique de l’autre côté de la rue. À l’intérieur, le blanc éclatant des murs devient l’espace d’interaction entre les angles de l’architecture et les tubes noirs en aluminium qui ont été installés minutieusement à des endroits spécifiques en fonction du lieu. Cet ensemble d’éléments, la verticalité des lignes, la potentialité du mouvement des tubes par rapport à l’horizontalité du sol, nous invitent à nous aventurer dans l’espace.
Les mots And, As, The, Other (et, comme, l’, autre) figurant dans Room piece (Diagonal) ponctuant, dès l’entrée, les murs de la galerie et la rotation autour d’un axe de AND lisible à la fois dans le bon sens sur la vitrine depuis la rue et situé au même niveau, mais inversé sur le mur de la galerie interpellent le passant et le visiteur en signalant par la conjonction AND (ET en anglais) la présence de l’autre – s’agit-il de l’espace lui-même – pouvant être perçu comme identique ou différent. On peut en effet relier les mots de diverses manières : les liens sont interchangeables et le sens multiple.
Avec Two pipes random, 2 tubes en aluminium d’un mètre de long et 19 mm de diamètre – positionnés verticalement au mur à distance l’un de l’autre et à une hauteur différente – l’artiste questionne la frontalité classique de l’œuvre et nous invite au déplacement. Perçus comme fixes lorsqu’on les observe de face, les tubes donnent l’impression de s’écarter latéralement dans le plan de la vision lorsqu’on s’en approche de biais depuis l’entrée de la galerie. L’ensemble des tubes réunissant cette œuvre murale et les 4 tubes de la première pièce peuvent sembler avoir été placés de manière à se retrouver visuellement à des distances égales en un point précis de l’espace. Cette impression est accentuée par le contraste absolu entre les tubes noirs et le blanc des murs. Mais cette impression est furtive et, dès qu’on se déplace, les paramètres bougent et d’autres liens s’établissent.
Two Pipes one standing présente une section de tube posé au sol de 8,6 cm et une tige amovible reliant le sol au plafond. La simultanéité de la présence de cet élément mobile et de cette portion de tube qui devient un repère fixe servant de référence permet de se confronter à notre propre verticalité et aux légères oscillations qui l’accompagnent. La pièce agit un peu comme un pendule de Foucault qui permet de visualiser la rotation de la Terre.
Nous nous trouvons ainsi paradoxalement confrontés à un espace où tout semble fixe, mais qui nous invite au mouvement afin de percevoir les liens qui s’établissent entre les éléments, dans l’espace de la galerie et au-delà.
Daniel Dutrieux