Pierre(s)

Exposition du 9 mars au 6 avril 2025
Vernissage le dimanche 9 mars 2025 de 15h à 18h

Jean-Paul Brohez, Véronique Caye, Marie Cloquet, Olivier Cornil, Denis Deprez, Daniel Dutrieux, Frédéric Fourdinier, Hamish Fulton, Uwe Max Jensen, Guy Jungblut, Barbara & Michael Leisgen, Michel Mazzoni, Pieter Laurens Mol, Sabrina Montiel-Soto, Elise Parré & Pierre Antoine, Jean-Pierre Ransonnet, Marion Sehier, Armand Silvestre, Laura Viale, Bernard Villers

Pieter Laurens Mol, Terra Incognita, détail, 1995 – 2024 – photo © Pierre Houcmant

Avec le concours de la Province de Liège

Pierre(s), une traversée dans l’espace, le temps d’une exposition

En juin 2024, Hamish Fulton m’adressa une carte postale où il exprimait ses préoccupations sur la manière dont l’histoire de l’art considère les pierres. Selon lui, l’art contemporain a banalisé les pierres et les critiques et historiens d’art n’ont pas réussi à distinguer l’art de la marche du land art anglais. Pour Fulton, les pierres jalonnent le paysage qu’il traverse et il ne lui viendrait jamais à l’idée de les déplacer. Un exemple marquant est sa promenade de sept jours au Japon en 1989, où il a touché, énuméré et photographié cent pierres, un parcours immortalisé dans son livre « Touching by hand one hundred Rocks ».

Les photographies de Jean-Paul Brohez et Olivier Cornil capturent avec le même respect les roches qu’ils rencontrent sur leur chemin. Elles se distinguent des autres par leur taille, leur isolement ou la lumière qui les baigne. Les pierres sont le sujet principal des peintures de Marie Cloquet présentées dans le cadre de cette exposition. Des touches de couleurs effleurent l’image des roches, comme les cartes géologiques colorent les couches sous-jacentes de la terre.

Frédéric Fourdinier s’intéresse aux empreintes minérales qu’il explore comme la mémoire du monde traversée par le temps. Il interroge notre interaction avec la matière, comment nous la saisissons, la transformons et la déplaçons. Denis Deprez, lui, a suivi une ligne de faille tectonique invisible sur le terrain. Il nous restitue son parcours sur la carapace sénonienne du pic de Bure, où il analyse les pierres et les traces humaines laissées dans le paysage en perpétuelle érosion.

Barbara & Michael Leisgen nous rappellent sous forme de memento mori la place que nous occupons dans ce paysage lithique comme un petit point rose dans les rochers de granit caressés par le soleil. Pieter Laurens Mol questionne la pesanteur et l’inertie apparente du minéral en le rapprochant du cerveau humain. « Terra Incognita » est une composition d’images qui laisse entrevoir les possibilités de territoires vierges à explorer, de paysage à imaginer comme les « pietra paesine » photographiées par Véronique Caye, un écho pétrifié et vibrant à sa collection de 120 horizons photographiques présentée à la galerie LRS52 en 2022.

Jean-Pierre Ransonnet restitue le potentiel énergétique et émotionnel de la Pierre de la Fallotte située sur les hauteurs de Lierneux. Ses images, déchirées, froissées et maculées de couleurs sauvages, semblent défier l’emprise humaine sur la pierre. Sabrina Montiel-Soto propose la vacuité d’un cadre calé de guingois par une pierre, invitant à observer l’univers de la peinture différemment. La pierre agit aussi comme une intruse qui entrave un parcours tout tracé, comme nous le rappelle avec ironie l’artiste danois Uwe Max Jensen avec sa « Sculpture conçue pour l’intérieur d’une chaussure ».

Les silex taillés, admirablement représentés par Armand Silvestre, sont les premières œuvres d’art que la préhistoire de l’humanité nous a transmises. Les dolmens et menhirs de la période néolithique sont autant de repères dans le paysage breton que Guy Jungblut nous invite à explorer. Elise Parré & Pierre Antoine présentent une « collision » sous forme de l’image d’un silex brut situé en apesanteur entre deux mains rappelant la matière que manipulaient les peuples de la préhistoire pour se forger des outils et des offrandes et qui convoque ici d’autres cosmogonies.

Laura Viale préfère nous inviter à toucher des yeux la matière jusque dans ses détails les plus infimes, procédant par frottage de graphite sur papier ouvrant ainsi des visions inattendues sur la structure de la roche. Daniel Dutrieux présente un triptyque composé de trois images du « Rocher n°2 » d’où ont été extraits les nombreux échantillons de roches distribués par la NASA dans les différents laboratoires d’analyse du monde entier, dans l’objectif de mieux comprendre la genèse de la lune.

L’art d’empiler des pierres fait référence à la pratique de créer des structures symbolique. Michel Mazzoni apporte ici une dimension supplémentaire en utilisant des pierres provenant de diverses origines. Le cairn ainsi formé devient une œuvre éphémère, sculpturale et poétique. Marion Sehier établit l’alphabet tactile des pierres et pétrit « un pain de pierre molles » qu’elle laisse durcir et brise ensuite en autant de parties que les fragments d’une météorite. Enfin, les « pierres qui roulent » de Bernard Villers sont des galets enduits de pigments déployant leur écriture sur le papier au hasard de leur forme et de leur déplacement aléatoire sur la feuille.

Daniel Dutrieux, mars 2025